Jane Graverol mérite d'être reconnue comme étant l'un de plus grands peintres surréalistes.
Elle a grandi auprès d'un père écrivain et peintre symboliste Alexandre Graverol. Après avoir étudié à l'Académie des Beaux-Arts d'Etterbeek, elle fréquente l'Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles, où elle a pour professeurs Montald Constant et Jean Delville. Dès la fin des années 1930, sa peinture se rapprochera des préceptes du mouvement surréaliste qu'elle n'intègrera qu'en 1940. L'un de ses premiers contacts avec le groupe remonte à 1936, lorsqu'elle rencontre E.L.T. Mesens à Paris. En 1949, Graverol fait la connaissance des membres fondateurs du surréalisme belge que sont Louis Scutenaire, Camille Goemans, Marcel Lecomte ; elle obtiendra ensuite le soutien de René Magritte qui lui organisa une exposition en 1950, lui témoignant d'une sincère amitié. Sa relation amoureuse avec Marien renforça encore plus son implication dans le groupe. En 1952, elle fonde avec André Blavier la revue Temps mêlés à Verviers ; et à partir de 1954, elle anime avec Mariën et Paul Nougé Les Lèvres nues, autre revue défendant avec ardeur les engagements révolutionnaires du surréalisme. Dès les années 1950, la presse qui commente ses expositions la compare à Magritte, mais aussi à de Chirico dont elle assume l'admiration. Le travail de Graverol n'a pas la dimension conceptuelle et philosophique du travail de Chirico dont hérita Magritte. Résolument poétique, davantage ancré dans un univers onirique et surnaturel, il est également empreint d'un climat symboliste dans lequel baigne l'enfance de l'artiste au contact de la peinture de son père. Toutefois, son œuvre partage avec celle de Magritte et de Delvaux une série de caractéristiques issues de l'univers Chiricien, du moins au cours des premières années de sa carrière. Comme de Chirico, et avide des Métamorphoses d'Ovide, Jane Graverol est fascinée par les mythes et l'esthétique antique qu'elle redécouvre lors de son voyage en Grèce en 1961 et que l'on retrouve dans plusieurs de ses compositions. Graverol s'apparente aux plus grandes que sont Leonora Carrington, Leonor Fini, Key Sage, Toyen, Dorothea Tanning ...
Par le biais d'une technique aussi lisse que précise, Graverol bouleverse les perceptions du réel, initiant des sentiments répondant tant au domaine de l'étrange qu'à celui de la poésie. Elle avouera «mes toiles sont des rêves éveillés, des rêves conscients». Elle associe également ces objets quotidiens à des éléments fantasmagoriques, ou les extrait de leur contexte habituel pour leur attribuer une nouvelle fonction. Si le caractère surnaturel de cette toile reste poétique, il n'en relève pas moins que l'artiste joue sur la rencontre de deux espaces contraires, l'intérieur et l'extérieur. Comme le dévoile cette toile, le personnage féminin de la peinture de Graverol est placé sous le signe de la dualité : la clarté et les ténèbres, la douceur et la sévérité, l'érotisme et la monstruosité de créatures sans visage. Cette œuvre est une ode à la liberté semblable à la représentation féminine qu'elle réalisa dans l'Esprit Saint. C'est également une ode à l'évasion et à une certaine forme d'indépendance féministe. La tension émanant de ce tableau est un voyage vers l'intérieur malgré l'étau représenté par la roche qui enferme la femme dans un ensemble semble-t-il hermétique. Cette toile est l'alliance parfaite de la technique au service du rêve conscient. Les toiles de cette qualité sont extrêmement rares et méritent d'être présentées auprès des plus grands.
Comme Delvaux une immuable poésie ressort de ces toiles, comme Magritte elle représente des rêves éveillés, comme De Chirico elle emmène son lecteur vers une interprétation plus subtile qu'une image figée.